Depuis les années 1960, le monde du fitness féminin cherche des repères pour définir les proportions corporelles “idéales”. Contrairement à leurs homologues masculins, les femmes ont longtemps été négligées par les formules de calcul traditionnelles de la musculation, laissant un vide dans la quête de mensurations de référence.
C’est dans ce contexte qu’émergent des approches spécifiquement féminines comme le Venus Index de John Barban, qui promet de révéler vos proportions “parfaites” à partir de votre seule taille. Cette formule séduit par sa simplicité apparente : entrez votre taille, et découvrez instantanément les mensurations de taille, hanches, poitrine et épaules que vous “devriez” atteindre selon le nombre d’or et des ratios mathématiques.
Parallèlement, de nombreuses femmes tentent d’adapter les formules masculines historiques – celles de Casey Butt, John McCallum ou basées sur Steve Reeves – en extrapolant leurs données vers des morphologies féminines, malgré l’évidente inadéquation de cette approche.
Mais que valent réellement ces méthodes appliquées aux femmes ? Le Venus Index repose-t-il sur des bases scientifiques solides ou relève-t-il davantage du marketing du fitness féminin ? Les extrapolations des formules masculines peuvent-elles servir d’objectifs fiables, ou risquent-elles de créer des attentes dangereusement irréalistes dans un contexte où la pression esthétique est déjà intense ?
Les mensurations “idéales” pour les femmes : le Venus index
Le Venus Index, développé par John Barban, tente de combler le vide laissé par l’absence historique des femmes dans les formules de mensurations “idéales”.
Contrairement aux approches masculines basées sur l’observation de culturistes, Barban s’inspire de concepts mathématiques et esthétiques pour créer son système.
Attention, nous présentons ici cet outil en toute transparence, pour les personnes que cela pourrait intéresser, mais nous ne recommandons absolument pas son utilisation, comme vous pouvez le comprendre dans la suite de l’article, critique à son égard.
Nous considérons que les mensurations “idéales” d’une femme ou d’un homme sont celles d’un corps fonctionnel et en bonne santé, choisies par cette personne.
Calculateur Venus Index
Formule de John Barban pour le fitness féminin basée sur des ratios “idéaux” en fonction de la taille
Le Venus Index repose sur plusieurs principes :
- Le tour de taille comme base : 38% de la taille corporelle, censé refléter les proportions “naturellement attractives”
- L’application du nombre d’or : 1,618 pour les épaules, emprunté aux arts et à l’architecture
- Des multiplications simples : hanches (×1,42) et poitrine (×1,35) dérivées de la taille calculée
Cette approche séduit par sa simplicité apparente et sa référence au nombre d’or, donnant une impression de légitimité scientifique.
Comment prendre ses mensurations pour une femme ?
Pour prendre correctement ses mensurations (dans une logique santé, couture, ou suivi sportif), il faut utiliser un mètre ruban souple et rester droite, sans rentrer le ventre ni forcer la posture.
- Poitrine (buste)
- Passer le ruban horizontalement sur la pointe des seins, bien à plat dans le dos.
- Ne pas trop serrer, le ruban doit juste toucher la peau.
- Sous-poitrine
- Juste sous la poitrine, à l’endroit où passe un soutien-gorge.
- Juste sous la poitrine, à l’endroit où passe un soutien-gorge.
- Taille
- Au point le plus creux de l’abdomen, généralement au-dessus du nombril, là où on se plie en penchant sur le côté.
- Au point le plus creux de l’abdomen, généralement au-dessus du nombril, là où on se plie en penchant sur le côté.
- Hanches / bassin
- Au point le plus large des fesses, ruban parallèle au sol.
- C’est cette mesure qui entre dans le ratio taille/hanches (WHR).
- Épaules (envergure d’épaule à épaule)
- Ruban posé sur le haut du dos, d’une extrémité d’épaule à l’autre.
- Ruban posé sur le haut du dos, d’une extrémité d’épaule à l’autre.
- Bras
- Tour de bras : à l’endroit le plus fort (souvent le biceps contracté).
- Longueur de bras : de l’épaule jusqu’au poignet.
- Cuisses
- Tour pris au point le plus large, généralement sous la fesse.
- Tour pris au point le plus large, généralement sous la fesse.
- Mollets
- Tour pris au point le plus développé.
Conseils pratiques
– Toujours mesurer sur la peau ou sur vêtements très fins.
– Noter les valeurs en cm, à la même heure de la journée pour comparer dans le temps.
– Pour un suivi fitness : répéter tous les 30 jours.
Les failles fondamentales du système Venus
1. Aucune validation empirique
Contrairement au ratio taille-hanches qui bénéficie de décennies de recherche, le Venus Index n’a jamais fait l’objet d’études scientifiques.
Les ratios proposés ne reposent sur aucune analyse de populations réelles ou d’évaluations esthétiques contrôlées.
2. Simplification excessive de la morphologie féminine
Le système ignore complètement :
- La diversité des morphologies
- L’influence de la composition corporelle : deux femmes peuvent avoir la même taille mais des répartitions muscle/graisse radicalement différentes
- La notion de morphologie “idéale” : les proportions “idéales” varient selon les origines géographiques et culturelles
3. L’application arbitraire du nombre d’or
L’utilisation du ratio 1,618 pour les épaules relève davantage du marketing que de la science.
Aucune étude ne démontre que ce ratio, efficace en art et architecture, s’applique aux proportions humaines féminines.
4. Création d’objectifs potentiellement dangereux
Pour de nombreuses femmes, atteindre ces ratios nécessiterait :
- Des modifications corporelles importantes et potentiellement risquées
- Un niveau de contrôle alimentaire pouvant mener aux troubles du comportement alimentaire
- Des attentes irréalistes générant frustration et dysmorphie corporelle

Le ratio taille-hanches : entre science et marketing
Les fondations scientifiques plus solides
Contrairement aux formules masculines développées empiriquement, le ratio taille-hanches (WHR) trouve ses racines dans une recherche scientifique plus rigoureuse.
En 1993, Devendra Singh établit dans Psychological Science que les hommes jugent plus attirantes les silhouettes féminines avec un WHR proche de 0,7, indépendamment du poids.
Les recherches ultérieures confirment cette tendance à travers différentes cultures :
- Singh (2002) observe des préférences similaires aux États-Unis, en Inde, en Afrique et en Amérique Latine
- Dixson et al. (2011) confirment l’attractivité de ce ratio dans des contextes culturels variés
- Platek & Singh (2010) démontrent par IRM que la vision d’un WHR de 0,7 active davantage les zones de récompense du cerveau masculin
Au-delà de l’attractivité, le WHR présente des associations scientifiquement documentées :
- Santé reproductive : Singh & Randall (2007) montrent qu’un WHR bas est corrélé à des taux d’œstrogènes plus élevés et une meilleure régularité menstruelle
- Santé métabolique : Kirchengast & Winkler (1995) établissent qu’un WHR élevé (>0,8) augmente les risques cardiovasculaires et métaboliques
Calculateur Ratio Taille-Hanches (WHR)
Calculez votre ratio taille-hanches selon les standards scientifiques établis par Singh (1993)
“Idéal” esthétique
Bon pour la santé
Risque modéré
Risque élevé
Important : Ce ratio ne constitue qu’un indicateur parmi d’autres. Il ne tient pas compte de votre morphologie naturelle, votre composition corporelle ou votre état de santé global. Un WHR éloigné de 0,7 ne signifie pas que votre corps est “imparfait” – chaque morphologie a sa beauté propre.
Les limites critiques du concept
1. Variabilité culturelle sous-estimée
Malgré sa validation dans plusieurs cultures, le WHR 0,7 n’est pas universel.
Des études au Pérou et en Tanzanie révèlent des préférences pour des ratios plus élevés (~0,9), questionnant l’universalité du standard.
2. Réductionnisme morphologique
Le WHR ne capture qu’un aspect bidimensionnel de la silhouette :
- Néglige la “curviness” : Hübner & Ufken (2024) démontrent que la courbure globale prédit mieux l’attractivité que le simple rapport taille-hanches
- Ignore la composition corporelle : deux femmes avec le même WHR peuvent avoir des répartitions muscle/graisse totalement différentes
- Omet la structure tridimensionnelle : la forme réelle du corps dépasse largement ce simple ratio
3. Confusion entre attractivité et norme prescriptive
Observer qu’un ratio est perçu comme attractif ne signifie pas qu’il devrait devenir un objectif personnel. Cette confusion mène à :
- La transformation d’une observation scientifique en norme esthétique
- La création de standards potentiellement inatteignables pour de nombreuses morphologies
- L’oubli que l’attractivité dépend de nombreux autres facteurs
- Une fausse association entre attractivité et estime de soi
4. Interaction avec l’IMC
Swami & Tovée (2005) montrent que l’IMC explique une partie importante de l’attractivité perçue.
À IMC égal, le WHR reste déterminant, mais l’inverse est également vrai : à WHR égal, l’IMC influence fortement la perception.
L’impossibilité de prédire toutes les mensurations
Le WHR ne peut pas déterminer cuisses, bras et épaules.
Le tour de taille et le tour de hanches ne donnent aucune information fiable sur :
- La largeur de carrure : les épaules dépendent de la structure osseuse claviculaire, indépendante du bassin
- Le développement des membres : bras et cuisses varient selon l’activité physique, la génétique musculaire et la répartition des graisses
- La morphologie générale : une femme “X” et une femme “8” peuvent partager le même WHR mais présenter des silhouettes radicalement différentes
L’erreur des extrapolations commerciales : les systèmes comme le Venus Index commettent l’erreur fondamentale de vouloir extrapoler un ratio scientifiquement validé (WHR) vers des mensurations sans lien démontré.
Une approche équilibrée du WHR
1 – Utilisation comme indicateur de santé
Plutôt que comme norme esthétique absolue, le WHR peut servir d’indicateur de santé métabolique :
- Suivi des variations : une diminution du tour de taille indique souvent une amélioration métabolique
- Évaluation des risques : un WHR élevé peut signaler la nécessité d’un suivi médical
- Motivation santé : se concentrer sur les bénéfices santé et sa propre évolution plutôt que sur l’esthétique pure et des comparaisons
2 – Acceptation de la diversité morphologique
Chaque femme possède une morphologie unique déterminée par :
- Sa génétique (structure osseuse, points d’insertion musculaire)
- Son historique sportif et ses habitudes de vie
- Ses fluctuations hormonales naturelles
- Les changements corporels liés à l’âge et aux événements de vie
En résumé, au lieu d’un WHR “idéal” rigide :
- Respectez votre morphologie naturelle : travaillez avec vos caractéristiques, pas contre elles
- Privilégiez votre santé globale : un corps fonctionnel et en bonne santé prime sur des ratios théoriques
- Développez vos capacités sportives en lien avec vos activités : concentrez-vous sur ce qui vous fait du bien et que vous appréciez
- Retenez que le WHR reste un outil scientifiquement validé pour certains aspects de l’évaluation santé, mais il ne devrait jamais dicter des objectifs esthétiques rigides. Comme pour toutes les formules de mensurations “idéales”, la globalité d’une personne transcende largement les mensurations.
Conclusion
Le ratio taille-hanches et autres mensurations standards révèlent leurs limites face à la diversité morphologique réelle.
Vouloir calculer sa morphologie idéale selon des critères figés ignore la richesse des proportions similaires naturelles. Chaque tour de taille, tour de hanches et masse corporelle s’inscrit dans un contexte génétique et environnemental unique que ne peuvent capturer les mensurations idéales théoriques.
Plutôt que de chercher à atteindre un idéal féminin standardisé, concentrons-nous sur des objectifs réalistes basés sur un mode de vie sain. Une alimentation équilibrée et une activité physique régulière génèrent naturellement une silhouette harmonieuse, indépendamment des tailles standard imposées.
Évaluer sa silhouette ne devrait jamais primer sur l’espérance de vie et la vitalité quotidienne. Les véritables indicateurs de santé dépassent largement ce que peut mesurer un simple mètre ruban souple.
Une nutrition adaptée et un mode de vie actif restent les seuls garants d’un bien-être durable, au-delà de toute mesure de la taille standardisée.
Références et sources scientifiques
2Beauty is in the eye of the beholder: The role of waist-to-hip ratio in female attractiveness par Devendra Singh & Peter K. Randall
3Body dimensions of male and female adolescents according to relative fat patterning par Sylvia Kirchengast & Eva-Maria Winkler
4Female mate value at a glance: Relationship of waist-to-hip ratio to health, fecundity, and attractiveness par Devendra Singh
5Human physique and sexual attractiveness: sexual preferences of men and women in Bakossiland, Cameroon par Barnaby J. Dixson, Alan F. Dixson, Brendan Morgan & Matthew J. Anderson
6Female physical attractiveness in Britain and Malaysia: a cross-cultural study par Virén Swami & Martin J. Tovée
7Characteristics of male and female bodies in relation to judgments of attractiveness par Martin J. Tovée, D. S. Maisey, E. L. Vale & P. L. Cornelissen
8Optimal Waist-to-Hip Ratios in Women Activate Neural Reward Centers in Men par Steven M. Platek & Devendra Singh